La valorisation de l’histoire et du patrimoine à travers le jeu vidéo

« Un jeu vidéo ça reste un divertissement. Il y a une trame narrative qui est fictive même s’il y a un contexte historique travaillé ». Lors d’une conférence organisée le 6 février 2020 par l’université de Nantes et Stereolux, Victor Battaggion, rédacteur en chef du magazine Historia et Maxime Durand, consultant historique à temps plein chez Ubisoft, reviennent sur l’impact que peut avoir le jeu vidéo sur l’histoire et inversement.

Le jeu vidéo, un pont entre histoire et fiction

Nous pouvons donner une date dans l’introduction de l’histoire dans le monde du jeu vidéo. Il s’agit de Castle Wolfenstein sorti en 1981 et développé par le studio Muse software. Le joueur a la possibilité d’incarner un soldat américain dans une dystopie de la Seconde Guerre mondiale. Mais étant limité par les technologies de l’époque, le jeu était graphiquement pauvre. Avec les avancées technologiques, plusieurs entreprises du monde du jeu vidéo ont pu réaliser des chefs-d’œuvre reconnus par les joueurs. De plus en plus, les développeurs de jeux-vidéos ont le souci du détail, car certains joueurs peuvent reprocher le manque de précision dans les évènements historiques . Nous pouvons citer le jeu Kingdom Come Deliverance, développé par le studio Warhorse, dans lequel le joueur peut incarner une personne vivant dans le village de Skalice dans le royaume de Bohême du XVème siècle. Le jeu proposé est d’une historicité irréprochable. En effet, le joueur n’incarne pas un héros, mais un simple villageois avec ses connaissances sur le monde dans lequel il vit. C’est-à-dire quasi nulles. Il ne sait pas lire ni écrire et passe le plus clair de son temps à rêvasser avec ses amis.

Néanmoins, le système du jeu fait que toutes les compétences du joueur s’améliorent lorsque le joueur rencontre un obstacle. C’est ce qui a fait le succès du jeu. Le jeu vidéo est donc un vecteur culturel non négligeable et les studios l’ont bien compris. En France, Victor Battaggion déclare : « 70 % de la population en France joue au jeu vidéo ». Les jeux vidéo ne se résument pas qu’aux grosses entreprises. Les structures culturelles mettent des moyens ludiques et éducatifs pour permettre aux enfants de se familiariser avec des périodes qu’ils n’ont pas connus. Le centre d’archives du Val-d’Oise a inventé plusieurs jeux comme « Ne m’oubliez pas ». Le joueur incarne un maire qui doit construire un monument aux morts. Le jeu est basé sur de véritables archives et propose une historicité à toute épreuve. Il sensibilise alors le joueur à la complexité de la Grande Guerre. Le jeu a été créé dans le cadre d’une politique de valorisation des archives numériques. Une politique qui a débuté en 2014. Néanmoins, lorsque l’on parle d’histoire nous pensons généralement aux évènements historiques comme 1515 Marignan ou 1789. Mais l’histoire englobe aussi les monuments que les hommes ont façonnés ; c’est ce que les spécialistes appellent le patrimoine culturel.

Valoriser le patrimoine culturel

La cathédrale Notre Dame de Paris a pris feu le 15 avril 2019. La cathédrale Notre Dame de Paris est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991, ce drame a eu un énorme retentissement pour les Français. Après l’incendie, beaucoup d’organismes dont l’UNESCO ont exprimé leur soutien à la France pour permettent à la restauration de la cathédrale.

Notre Dame de Paris

Au même moment, le studio Ubisoft établit un communiqué en garantissant la gratuité du jeu Assassin’s Creed Unity pendant une semaine. Ce coup marketing de la part Ubisoft met en avant la volonté du studio de « rendre hommage » à la cathédrale Notre Dame de Paris, rendant  ainsi la possibilité de visiter la cathédrale pendant la fermeture due aux travaux de rénovation.  Mais Ubisoft ne s’arrête pas là et développe en 2010, à l’initiative de Maxime Durand, le Discovery Tour. Système qui permet, accompagné par Hérodote, de découvrir plusieurs monuments historiques présents dans les différents jeux ; la Grèce antique pour Assassin’s Creed Odyssey, l’Égypte antique pour Assassin’s Creed Origins. Les jeux de stratégie offrent aussi cette capacité à faire découvrir le patrimoine d’une ville. Par exemple dans les séries de Civilizations développé par MicroPose en 1991, nous avons la possibilité de construire des cathédrales, des colisées.

Le jeu renvoie les bâtiments à leur fonction première. Dans le premier cas, c’est d’étendre la foi et dans le deuxième cas, divertir. La saga Europa Universalis développée par le studio suédois Paradox Development Studio en 2012 permet de découvrir le système politique, la vie rurale et le commerce d’un pays. Même si le jeu laisse la possibilité au joueur soit d’inventer une nouvelle histoire soit de suivre l’histoire.

La place du jeu vidéo à l’école

Depuis les années 1980, le jeu vidéo et l’histoire sont des domaines extrêmement liés. Avec parfois des tricheries et des transgressions pour permettre aux joueurs d’avoir une expérience unique. Il faut rappeler que le jeu en lui-même n’est que fiction et ne remplace pas l’enseignant. Cependant, avec la musique extrême, le jeu vidéo a longtemps subi une mauvaise réputation notamment avec des jeux comme les shooters — jeu de tir à la première personne –  comme la saga Call of Duty développée par Activision depuis 2003. Malgré cette mauvaise réputation, depuis quelques temps le jeu vidéo a su redorer son blason, car ce dernier a fait sa place dans l’éducation nationale. 

Jeux vidéos et école

En effet, le professeur Stéphane Cloâtre organise des cours de technologies en utilisant le jeu Minecraft. Le but est de comprendre comment les bâtiments historiques et certains quartiers de la villes sont construits. Au cours d’une interview réalisé par Numerama, le professeur déclare ; « En cours de technologie, on voit beaucoup tout ce qui est bâtiment et architecture. Les mécaniques de Minecraft, en tant que jeu de bac à sable, correspondaient aux projets en classe. J’ai également appris que ce type de cours se faisait depuis la sortie du jeu dans les pays anglo-saxons ». En France, le but est de rassurer les parents en leur expliquant la démarche d’un point de vue pédagogique. Le but est d’amener l’élève à une meilleure compréhension du monde avec un mode de fonctionnement dans lequel ce dernier est déjà familiarisé . Ceci permet de casser les codes de l’éducation et cette relation professeur/élève qui peut être perturbante et difficile à gérer. Le jeu vidéo et l’éducation sont deux moyens qui peuvent coexister, mais il ne faut pas que l’un prenne le dessus sur l’autre. Au Québec, à l’initiative du Discovery Tour d’Assassin’s Creed, Maxime Durand explique que c’est plus de « 400 écoles qui utilisent ce système ». 

Citer cet article : Vincent Fleury, "La valorisation de l’histoire et du patrimoine à travers le jeu vidéo," in Les Éditions Universitaires d'Avignon : carnet de recherche, 14 décembre 2021, https://eua.hypotheses.org/5708.


Auteur/autrice : Vincent Fleury

Etudiant en master patrimoines et cultures numériques, mon but est de devenir un professionnel du patrimoine. J'aime découvrir et faire découvrir de différentes façons le patrimoine culturel.

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