Julio Romero de Torres est un peintre andalou né à Cordoue, le 9 novembre 1874. Il est le fils d’un peintre de la région, Rafael Romero Barros, ce qui a, quelque part, accéléré son apprentissage du métier. Il commence sa formation académique à l’Institut Góngora, et combine ses études avec celles de solfège et de peinture, cette dernière sous la tutelle de son père et les encouragements de son frère aîné Rafael. Son goût pour le réalisme lui vient de son père, à l’image de ses paysages et des natures mortes. Sa peinture s’inspire, principalement, des courants picturaux de la fin du XIXe siècle.
Ses premières œuvres sont marquées par un réalisme avec un fort contenu social, ainsi que par l’impressionnisme et le modernisme symboliste. Ce sont ces influences et ces tendances qui ont marqué sa première étape en tant que peintre. Cabeza de árabe, peinte en 1889, est sa première œuvre connue et se veut imprégnée de réalisme ; il est alors âgé de 15 ans. Six ans plus tard, il peint Mira que bonita era, d’influence réaliste, avec laquelle il obtient une mention honorable à l’Exposición Nacional de Bellas Artes.
Parallèlement, il prend intensément part à la vie culturelle locale de la ville de Cordoue, ainsi qu’à la vie intellectuelle. Il a profondément été marqué par plusieurs horizons artistiques : la peinture principalement ainsi que la littérature.
Julio Romero de Torres possède plusieurs cordes à son arc quant à sa vie professionnelle. Outre sa carrière artistique, il a été enseignant dans une école d’art, toujours à Cordoue. Sa ville native, si chère à son cœur, abrite un monument qui la rend célèbre : la Mezquita Catedral, dont il fut un des protagonistes pour restaurer le plafond à caissons de la Grande Chapelle dudit monument, en 1896.
En 1897, il peint pour la même exposition (l’Exposición Nacional de Bellas Artes) Conciencia tranquila, dans la lignée du réalisme social, pour laquelle il a obtenu une troisième médaille. Deux ans plus tard, il épouse Francisca Pellicer López, avec qui il aura plusieurs enfants. En 1900, il peint La Siesta, dans un style proche de l’art impressionniste et des Lumières de Joaquín Sorolla. C’est à partir de là qu’il commence à interagir avec les milieux intellectuels et artistiques madrilènes de l’époque. Il rencontre, par exemple, Ramón María del Valle-Inclán, figure clé du modernisme espagnol.
Par la suite, ses œuvres cèdent la place à d’autres de nature plus personnelles, où l’artiste choisit les femmes comme thème de prédilection. En 1905, il peint une série de peintures murales, dans laquelle une prédominance symbolique se détache. En 1906, il peint Vividoras del Amor, où il revient à la ligne du réalisme social. Il y fait une vive critique de la marginalisation, une peinture qu’il présente à l’Exposición Nacional de Bellas Artes, provoquant le premier scandale de sa carrière de peintre. L’œuvre a en effet été refusée dans la mesure où elle a été jugée immorale. On peut y découvrir quatre femmes, quatre prostituées en train d’attendre la venue des clients au sein d’une maison close. Même si cette œuvre a suscité l’indignation dans son pays, elle a obtenu du succès sur les terres britanniques et plus particulièrement à Londres.
Ces toiles contiennent déjà les éléments esthétiques qui caractériseront son œuvre : le symbolisme profond et ses arguments allégoriques, la précision des formes, la maîtrise du dessin, le glissement de la pénombre sur les figures, la suppression de la dureté des contrastes, l’artifice poétique des décors, le miniaturisme des fonds idéalisés, la morbidité des corps féminins, les glacis habiles et l’ondulation des plis des vêtements.
Ces œuvres font également avancer le thème choisi par Romero de Torres : le flamenco et la copla, avec toutes les nuances de ses coutumes populaires et de ses composantes, amour et jalousie, douleur et mort, passion. La femme est clairement protagoniste et au centre des peintures de Julio Romero de Torres ; on la découvre mise en avant avec un caractère sensuel, tragique, mais aussi avec des expressions ambiguës. La dualité de vie entre le religieux et le profane est aussi présente.

En plus de représenter une Espagne actuelle et folkloriste incarnée par la célèbre et emblématique « femme brune », l’œuvre de Julio Romero de Torres implique une modernité créative très complexe, où affluent différents courants esthétiques et traditions picturales. Résolue avec une technique académique et un style moderniste et symboliste, sa peinture fait de lui l’un des artistes les plus éminents et les plus populaires de son temps.
Cette œuvre a été produite en 1913 dans la capitale espagnole. À Madrid, le peintre bénéficiait de l’amitié et de l’admiration des intellectuels de l’époque, Venus de la poesía, rend hommage à Raquel Meller, personnifiée- et allégorisée- ici en tant que déesse de l’amour et surtout de la beauté. À gauche du tableau, il y a un homme. Il s’agit de son futur époux : Enrique Gómez Carrillo, un Guatémaltèque.
Inspirée de l’œuvre de Titien, Vénus avec l’organiste et un petit chien (ca, 1550), la toile se structure en deux plans clairement séparés. Au premier plan, la femme allongée regarde le spectateur en revêtant sensuellement un textile en dentelle. Au centre, une rose évoque la beauté et la passion amoureuse. Au fond, dans un plan hypnotisant, apparaît la renaissante Puerta del Puente, et derrière, le fleuve Guadalquivir ainsi que la ville de Cordoue. Au-delà de ses modèles féminins habituels, Romero de Torres donne à cette Vénus un air intemporel et symboliste, alliant réalité et idéalisme pour bâtir le modèle idéal de la femme sensuelle.
Le 10 mai 1930, l’artiste cordobés (gentilé de Cordoue) meurt dans sa maison, située sur la Plaza del Potro. À sa mort, sa femme et ses enfants ont légué à la ville plusieurs de ses cadres et du mobilier dans l’optique de créer un musée qui lui rendrait hommage. C’est sous cette impulsion que naît, un an plus tard, et est inauguré le musée dédié à l’œuvre de Julio Romero de Torres.