Dans ma pratique professionnelle, comme pour les cours que je donne à l’université, je continue de penser qu’il importe de chercher l’étonnement. La Fondation Luma, sur son site d’Arles, répond pleinement à ce souhait, d’autant qu’elle facilite les découvertes en pratiquant la gratuité pour l’ensemble des expositions.
La Fondation Luma est située sur une ancienne friche industrielle, le Parc des Ateliers, site de construction et de réparation de locomotives à vapeur. De 2013 à 2021, différents bâtiments ont été rénovés, un parc a été réalisé, avec plan d’eau, pelouses et grenouilles, et une immense tour a été construite, conçue par Frank Gehry.
Les espaces d’exposition comprennent la Tour, sur différents étages, et plusieurs bâtiments dans le parc. À l’échelle du site, passer d’un lieu à un autre permet comme une respiration et ouvre à un regard renouvelé sur l’environnement. L’extérieur apaise, face à la puissance des œuvres proposées à l’intérieur ; un dialogue s’instaure et une relation se noue entre le dedans et le dehors.
La scénographie des expositions est remarquable, de nombreux grands espaces sont dédiés à une seule œuvre, permettant ainsi une appropriation plus intime. En cherchant bien, jusqu’à il y a peu on pouvait notamment rencontrer, au troisième sous-sol de la Tour, un escargot sur un archet d’alto, dans une vidéo de Anri Sala. Actuellement, toujours dans la Tour, on peut regarder des arbres qui dansent, en 3D, dans une proposition de Cyprien Gaillard. Et que dire de la Grande Halle ? Elle a abrité une installation de Pierre Huyghe, mélangeant images mentales, abeilles, reconnaissance faciale et fourmis. L’importance de l’espace disponible permettait une sorte de dispersion, favorisant la déambulation et l’approche.

C’est encore le cas avec Arthur Jafa : ce lieu permet la projection sur un très grand écran d’AGHDRA, avec une dimension sonore essentielle et respectée. L’œuvre devient ainsi hypnotique et mène le spectateur dans un lieu inconnu. Dans un autre édifice, la Mécanique Générale, la bande-son de SLOpex, œuvre du même artiste, elle-même présentée dans un large espace, prend un caractère obsessionnel.

Beaucoup d’autres propositions seraient à mentionner, dont un chien qui court sur un écran très large, une installation sonore permanente où on entend Deleuze, une immersion en réalité virtuelle dans laquelle notre souffle joue un rôle éminent.

La gratuité des entrées aux expositions constitue un atout essentiel. Non seulement la Fondation Luma expose des propositions artistiques actuelles, rarement présentées en France, mais de plus elle le fait dans une démarche de gratuité d’accès. Pour les universitaires à qui on demande de s’inscrire dans un environnement d’open science, c’est exemplaire. C’est une démocratisation en acte, qui doit aussi interpeler les acteurs publics et privés : une gratuité qui ne renie rien de l’exigence éthique et esthétique.
Cette gratuité s’étend également à un fonds documentaire en ligne très riche : interviews d’artistes, restitutions de rencontres, longues présentations des lieux et projets… La Fondation Luma intègre également une démarche politique, de prospection et d’alerte. Cela avait été manifeste dès l’exposition It’s urgent en 2020. Régulièrement, des symposiums ou conférences ouvrent des espaces de dialogue et de réflexion, avec, de nouveau, une dimension internationale.
Au-delà des possibles interrogations touchant au modèle économique de ce projet, il est indéniable qu’il s’agit d’une opportunité rare de rencontre avec des modes d’expression artistique d’aujourd’hui. C’est un lieu structurant, pour Arles, la région et ses visiteurs.
NB : l’iconographie de ce billet a été mise à disposition gracieusement par la Fondation Luma.

Pour en savoir plus
Le site principal de la Fondation Luma à Arles : https://www.luma.org/fr/arles.html
Le site des vidéos, interviews et restitutions : https://www.luma.org/live.html