La taxe rose : un point de vue féministe ou simplement une loi de l’offre et de la demande ?

De nos jours, nous sommes constamment confrontés à de nouveaux phénomènes ou problèmes que nous ne connaissons pas. Sur lesquels nous n’avons pas suffisamment réfléchi, et leur donner un nom permet de les reconnaître et de les rendre visibles. Tel est le cas de la « taxe rose », en anglais pink tax ou woman tax, terme choisi pour désigner le surcoût que certains produits ont pour le seul fait d’être destinés aux femmes.

Mais qu’est-ce que c’est la taxe rose?

C’est la différence de prix commercial qui consiste à vendre certains articles pour femmes plus cher que ceux destinés aux hommes. Une controverse encore trop méconnue par la plupart des gens, et qui, grâce aux différents types médias, commence à être mise sur le devant de la scène.

Concrètement, un produit emballé de couleur rose, qui a la même utilisation, la même contenance que celui en couleur bleue ou destiné aux hommes, est systématiquement plus cher dans le rayon « femmes ». Une augmentation parfois très légère, mais au détriment des consommatrices.

La taxe rose commencerait dès la naissance : selon une étude du Département de la consommation de New York, les parents d’une enfant devront payer plus pour ses vêtements et ses jouets que ceux pour un enfant. Les versions féminines des produits de soins personnels, des chaussures et des jouets coûtent en moyenne 7 % de plus que les versions masculines. L’étude a aussi révélé que les vêtements pour enfants coûtent 4 % plus cher s’ils sont destinés à une fille.

Pourquoi les produits féminins sont-ils facturés plus cher ? S’agit-il de stratégies de marketing ? De complexité de création ?

Il s’agit tout simplement, en fait, d’une stratégie marketing, que l’emballage soit rose ou bleu, les composants sont les mêmes. Les ingrédients actifs sont présents en quantités égales dans les produits pour femmes et pour hommes.

À notre niveau, il suffit par exemple de comparer chaque produit lors de son achat. Cela sera certes rendu compliqué par la distanciation des produits femmes/hommes, mais possible.

En France, à ce sujet, en 2014, le collectif Georgette Sand avait lancé une pétition qui demandait à Monoprix d’unifier ses tarifs sur ses propres produits, mais aussi sur les autres marques distribuées ; mais aussi de préciser sur les étiquettes le prix de la déclinaison masculine ou féminine du produit lorsque les prix rayons femmes/hommes sont différenciés.

Les justifications

Monoprix avait répondu « les références pour les hommes (rasoirs, mousse à raser…) présentent des volumes de vente largement supérieurs aux modèles pour femmes, permettant ainsi un prix d’achat inférieur ». La marque n’avait cependant donné aucun chiffre.

D’autres grandes entreprises affirment que ces prix plus élevés sont également dus au fait que les marques investissent plus d’argent, dans la présentation de leurs produits, dans l’emballage, le design et la publicité lorsqu’ils s’adressent aux femmes.

Le ministère de l’Économie des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique a quant à lui précisé « que si la demande d’un bien est supérieure à son offre, sa valeur d’échange — ou son prix dans la plupart des cas — augmente. Elle diminue dans le cas contraire. »

Le groupe belge Colruyt a affirmé la même chose. Ce n’est selon eux qu’une question d’offre et de demande. La demande de rasoirs féminins, par exemple, est moindre que celle des rasoirs masculins, et donc l’offre est moins abondante, ce qui justifie un prix plus élevé.

Cela prouve que les prix sont liés à des décisions commerciales et fonctionnent selon l’hypothèse où la prémisse que les femmes seront disposées à payer plus cher pour leurs vêtements ou leur hygiène personnelle.

Cette tarification asymétrique existe donc bel et bien, mais pour des raisons budgétaires et marketing. Cependant, en général, les grandes entreprises laissent entendre dans leur publicité qu’il existe un besoin. Un besoin interne ou naturel chez les femmes d’être belles et de se parer, et, pour cette raison, elles sont susceptibles de payer plus pour leurs ornements.

Souvent, le marketing est un « marketing genré », qui consiste à promouvoir des produits ou services en se basant sur un principe de segmentation des genres. La plupart des images montre comment nous devrions être, construisant des images stéréotypées, des goûts et des comportements que nous aurions en tant que femmes ou hommes.

Ces stéréotypes vont du physique au culturel, cherchant à nous guider dans notre consommation de différents produits, et ce afin d’obtenir un statut ou l’approbation des autres. Ce système de commercialisation se nourrit de l’image qu’il crée pour valoriser les produits, notamment ceux destinés aux femmes.

Une véritable “injustice” que dénoncent régulièrement les associations féministes. Encore une fois, le collectif féministe Georgette Sand a interpellé le gouvernement sur cette pratique, en lançant notamment une pétition en ligne signée par quelque 40 000 personnes. « Nous refusons que le marketing sexiste soit une entrave à la possibilité de consommer de manière avisée » manifestait le collectif Georgette Sand.

Ce même collectif féministe a finalement pu réussir à faire réduire en France de 20 % à 5,5 % la taxe appliquée sur les tampons et produits de protection hygiénique féminine grâce à ses pétitions lancées en 2015.

« Avoir ses règles, ce n’est pas optionnel », rappelle ce collectif. Selon les calculs de la sénatrice française Evelyne Yonnet (socialiste républicaine), les femmes dépensaient entre 1 500 et 2 000 euros par an en protections hygiéniques. Ces dernières peuvent maintenant gagner jusqu’à 60 centimes par boîte avec cette baisse.

Aussi, Auriane, cofondatrice de l’association Pépite Sexiste dénonce avec humour les marques sur les réseaux sociaux en les taguant. La jeune femme explique qu’en 2022, il n’est « plus possible de faire du marketing genré de cette manière ».

Mesures à prendre

Pour pallier ces différents diktats et prendre à contre-pied ces tarifications injustifiées, il est recommandé de prendre en compte les éléments suivants :

– Comparez les prix des produits et services financiers avant de les choisir.

– Tenez compte que parfois le même article est moins cher dans un magasin que dans un autre.

– Si possible, remplacez-les par des articles non-genré. Si la différence dans le produit est une substance, un parfum ou une odeur que vous ne pouvez pas remplacer par la version neutre, par exemple dans le cas des parfums, des déodorants ou des crèmes, alors tentez de passer à une marque moins chère qui propose un article similaire.

Sources
Citer cet article : Wendy Lopez, "La taxe rose : un point de vue féministe ou simplement une loi de l’offre et de la demande ?," in Les Éditions Universitaires d'Avignon : carnet de recherche, 16 décembre 2022, https://eua.hypotheses.org/10381.

Auteur/autrice : Wendy Lopez

“Je suis née en 1993 au Salvador, un petit pays de l'Amérique du Sud. Je suis venue en France en tant qu'assistante de langue en 2019. J'ai décidé de continuer mes études à l'université d'Avignon. Au présent, je suis étudiante de M2 Monde Hispanique Contemporain."

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search