tout débuta en février 1939…
C’était il y a 80 ans. En deux semaines, un demi-million de républicains fuient l’Espagne de Franco pour trouver refuge en France. Josep Bartoli est l’un d’eux. Voici son histoire.
Josep ou José Bartolí, né en 1910 à Barcelone, est un dessinateur, caricaturiste, peintre et républicain espagnol. En 1936, il fonde le syndicat des dessinateurs. En 1937, il se bat sur le front d’Aragon contre les troupes nationalistes espagnoles. Puis pendant la Guerre d’Espagne il devient commissaire politique du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (POUM)1.
C’est en 1939 que la guerre civile d’Espagne se termina, près de 500 000 républicains fuient vers la France, dont Josep, sa ville natale étant tombé aux mains des troupes du général Franco. Les réfugiés politiques ne pensaient pas qu’en arrivant dans le pays des droits de l’Homme leurs vies étaient menacées … En effet, le gouvernement Daladier2 trouva comme unique solution d’enfermer les réfugiés espagnols dans des camps de concentration sur les places d’Argelès ou de Saint-Cyprien où ils devaient construire leur propre baraquement et trouver de quoi se nourrir. Mais Josep continue de dessiner malgré tout, son crayon est devenu sa plus grande arme. Il jette sur le papier la dure vie de ces prisonniers et compatriotes : les corps affamés, malades, la cruauté des gardiens français.
Incroyable, c’est en 1943 qu’il parvient à s’enfuir au Mexique, où il publie ses dessins et devient l’amant de Frida Kahlo. Il finit sa vie aux Etats-Unis où il devient un grand dessinateur et fréquente bon nombre d’artistes comme Rothko ou Charles Pollock. Il ne retourne en Catalogne qu’en 1977, deux ans après la mort de Franco. Il meurt en 1995.
Quand un dessinateur, avec une telle histoire, traverse le chemin d’un autre dessinateur…
Aurel est un dessinateur de presse né en Ardèche en 1980. Il découvrit le travail de Josep Bartoli grâce au livre de son neveu Georges Bartoli, en 2010. Éblouie et fasciné, il se plongea dans cette histoire. Par la suite il voulut raconter à tous l’histoire de cet homme. Pour Aurel les dessins de Josep étaient semi-réalistes, flirtant avec un réalisme abrupt, accentué par les horreurs qu’il vécut dans les camps de concentration, les gens avaient faim et étaient très amaigris. Avec une touche de caricature permettant de montrer le ressenti du dessinateur et le message qu’il veut faire passer. Il avait déjà cet objectif de témoigner du réel à travers sa passion, le dessin.
Les faits sur lesquels est basée l’histoire même de ce film d’animation, sur la vie de Josep Bartoli, sont uniques et fascinants. En effet, c’est un dessinateur esquissant un autre dessinateur qui dessina l’histoire d’une des plus grandes périodes de souffrance du XXème siècle. Ainsi, ce projet permet à la fois un hommage à Josep Bartoli, montrant l’admiration qu’Aurel a eu pour cet artiste mais également un témoignage cruel de la manière dont le pays des droits de l’Homme a accueilli ceux qui avaient le plus besoin d’aide pour vivre. Cette admiration pour le dessin de Josep, Aurel l’eut également pour la période historique de la guerre d’Espagne. C’est pour ces raisons qu’il crée un film animé sur Josep et sa vie. Le plus gros enjeu dans cette création était de réussir le mariage entre l’image et le son. En effet, en choisissant de faire du cinéma, Aurel a pu rassembler ses deux passions que sont l’image et le son. Un défi d’ampleur, puisque les films habituels que le public choisi d’aller voir au cinéma n’ont pas cette ambiance visuelle et sonore que propose « Josep ». Il utilise la technique du dessin animé et fait alterner des personnages principaux en ligne et des séquences ou éléments imitant de simples esquisses tout en ayant un fond sonore pour faire parler les dessins.
Mais Aurel ne fut pas le seul à rendre ce témoignage si émouvant… En effet, à l’origine, il tenta d’écrire un scénario mais sans résultat il fit appel à Jean-Louis Milesi, un réalisateur, scénariste, romancier français pour l’aider à créer le film d’animation. Il n’avait jamais écrit pour un film d’animation ni pour un film historique, mais l’accueil de la France fait à ces réfugiés l’a énormément touché, ainsi, il accepta le défi et lui laissa même carte blanche ! Il fit beaucoup de recherches, et se basa sur des faits réels, concrets pour écrire le scénario.
« J’ai été séduit par la puissance narrative et évocatrice des traits de Josep Bartoli. En tournant les pages, j’ai vu les témoignages des camps si bien rendus par ses dessins qu’à partir de là, j’ai voulu me plonger dans cette histoire. »
Aurel, France Culture.

« Josep », 2020…
Après toutes ces explications voici un résumé de ce film d’animation sorti en salle le 30 septembre 2020.
L’histoire nous transporte vers la fin des années 1930 dans le sud de la France où des milliers d’Espagnols affluent pour venir s’y réfugier et ainsi fuir la dictature du général Franco. Mais l’accueil français s’avère déplorable, tous ces immigrés sont parqués dans des camps de concentration dans lesquels règnent la violence, le racisme et la misère. Parmi eux se trouve Josep Bartoli, un talentueux artiste et illustrateur catalan, qui va passer le plus clair de son temps à dessiner les conditions de vie difficiles avec comme seul espoir revoir sa fiancée, Maria Valdès. Il fit par la suite la rencontre de Serge un gendarme français. Ces deux personnages se sauvent mutuellement. Il va jusqu’à risquer sa vie pour aider Josep. Tout au long du film le réalisateur nous laisse penser que l’histoire est racontée par Josep… Or ce n’est pas le cas, à vous de le découvrir en allant le voir au cinéma.
En visionnant le film, nous apercevons un changement de dessin en fonction des étapes de la vie de Bartoli. Aurel a choisi de rendre plus simples les dessins présentant les camps, les plages des Pyrénées Orientales, qui devaient être plus dessinées qu’animées. Ce choix est réfléchi puisqu’il est très fidèle aux dessins de Bartoli : les décors sont très simples, la plage et les fils barbelés. Ensuite, l’animation prend le dessus dans les passages du présent. Le dessin évolue encore quand Josep se rend au Mexique où il rencontre Frida Kahlo. Le film a donc était long à faire.
Avec Josep, le dessinateur Aurel et le scénariste Jean-Louis Milesi, créent un film d’animation poignant sur un sujet méconnu de l’Histoire de France, le sort des réfugiés après la guerre d’Espagne, tout en rendant hommage à un artiste.

Grâce à la sortie du film, sa famille lègue 270 de ses œuvres au Mémorial de Rivesaltes, lui qui fut interné dans le camp du même nom lors de la Retirada.
- Une organisation révolutionnaire espagnole créée en 1935 et devenue illégale en 1937, qui a participé activement à la guerre d’Espagne contre le général Franco [↩]
- (Appelé gouvernement Daladier 3) a duré d’avril 1938 à mai 1939 [↩]
A découvrir concernant la Retirada; Musée de la mémoire à St Laurent-de-Cerdans. La scénographie établit un parallèle entre Retirada de 1939 et Migrants d’aujourd’hui; émouvant. D’après les habitants du village, un accueil chaleureux fut réservé aux frères catalans républicains.